retour à la listes des sujets

METAPHYSIQUE ET METAPHYSIQUES

 

Nous avons vu comment la métaphysique nous mène à la sagesse en nous faisant connaître les causes universelles. Nous allons regarder maintenant ce que la métaphysique nous apprend, et comment, par l'intermédiaire de ce qu'elle nous apprend, elle nous permet d'entrer dans la connaissance de l'être et dans la sagesse.

Alors, ce que la métaphysique nous apprend, c'est principalement, mais pas uniquement, une étude de la substance. Et une fois qu'on a dit cela, on a à la fois tout dit, et rien dit, parce que : qu'est-ce que la substance ?

C'est un des mots les plus faciles à comprendre, et c'est un mot, remarquez bien, qu'on utilise souvent, par exemple quand on dit :" En substance, veuillez me résumer ce qu'il a dit". En substance, ça veut dire en résumé. "Donnez moi la substance de ce qu'il a dit." Et tout le monde pense qu'il a compris ce que veut dire le mot substance, quand il a employé ce mot là. "La substantifique moelle!"...

Et nous avons en français conservé le mot, mais on l'a à peu près vidé de tout son sens. A l'heure actuelle où l'on a besoin vraiment de l'utilisation de ce mot, c'est un mot "substancia" qui veut dire : ce qui soutient, "sub-statia", ce qui est sous ce qui est par-dessus. Ce mot nous est absolument utile, absolument nécessaire, parce que sans la connaissance de la substance, on ne peut pas déboucher en philosophie de la nature. Bien que la philosophie de la nature soit antérieure à la métaphysique. Mais si on n'a pas la connaissance de la substance, on ne peut pas aller plus loin qu'une connaissance de la nature qui soit simplement une description de la nature. Ce que font à peu près tous les scientifiques. Ils nous décrivent les composantes de la nature.

Sans une connaissance de la substance, notre métaphysique tombe dans le vide. C'est à dire que tous ceux qui font une philosophie, tous, finissent par se trouver face au problème de l'Etre. Que ce soit Descartes, que ce soit Leibniz, Kant, Hegel ou les phénoménologues de l'ère moderne. Husserl, Heidegger, Sartre, qui ne serait peut-être pas content s'il entendait qu'on l'appelle phénoménologue. Et finalement, ils se trouvent tous face au problème de l'Etre.

Comment résolvent-ils ce problème ?

Pour Descartes, il a la connaissance de la substance par la connaissance intuitive de lui-même. "Cogito ergo sum". Et il se pense comme une substance essentiellement pensante, et partant de cela, c'est le point de départ des métaphysiques modernes. "J'ai une connaissance de la substance par la connaissance de ma propre substance". Il faut voir le poids de cette affirmation. Effectivement, ce n'est pas complètement faux, mais ce n'est pas non plus complètement vrai... C'est là le fond du problème. Et partant de ce point de vue, si j'ai une connaissance de la substance par la connaissance de la propre substance dont je suis, ce que je saisis de moi quand je saisis ma substance, je sais qu'elle est pensante. Je saisis donc un acte de pensée. Et si j'oriente toute la philosophie sur la saisie d'un acte de pensée, la conclusion est qu'effectivement l'être n'est plus ce qui existe, mais ce qui est pensé.

Alors, qu'arrive-t-il à ce moment-là ?

Eh bien, il arrive la chose suivante : c'est "qu'est-ce que je peux penser de moi-même ?" "Est-ce que je peux penser mon propre être directement ?" On en aurait de la chance : à ce moment-là, on se connaîtrait avec une transparence à nul ange pareil. Mais évidemment, ce n'est pas comme cela qu'on se connaît. Alors, par conséquent, si l'être c'est ce que j'en pense, et si j'en pense à partir de moi ce que je connais de moi, ce sont des manifestations de mon propre être, et je peux les unir d'une certaine manière, ces manifestations, et je peux ensuite projeter cette connaissance sur une connaissance de tous les autres. Et j'arrive à ce moment-là à un univers qui ressemble à celui que Leibniz a fait : "je connais que je me lève, je connais que je m'assoie, je connais que je mange, que j'étudie, que je rêve, je connais que j'aime, que je pleure, que je souffre. J'unis tout ça et je dis : ça c'est moi." Qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai uni différents moments par rapport au sujet que je suis.

Ce qui fait que Kant se dit : "Oui, mais ce sujet-là, est-ce que je le connais ?" Et Kant répond : "Non, je ne le connais pas". Et Kant a presque raison. Qu'est-ce qu'il dit ? Le sujet, la chose en soi, la substance, elle existe, peut-être, mais elle est inconnaissable. Et à ce moment, Kant vous fiche la métaphysique par terre. Il n'y a plus de métaphysique possible puisque le sujet est inconnaissable !

A partir de cela, Hegel revient à son idée d'essence se développant dans ses multiples moments historiques, et puis finalement, Kirkeegard se dit :"Oui, c'est très beau le système de Hegel, mais la journée où le système sera fini, je me mettrai à genoux pour adorer le système. Mais quand je demande à un hégélien : "Est-ce que le système est fini ?", hégélien me répond : "Non, ce n'est pas encore terminé". Alors, par conséquent, je remets à plus tard et ma louange et ma génuflexion.

Ensuite arrive Husserl qui dit : "Oui, mais il y a quelque chose. Si je me mets entre parenthèses de tout ce qui est simplement les moments historiques de la sensibilité, je vais probablement finir par retrouver l'Etre : parce qu'il y a dans Husserl une idée de retrouver l'Etre. Mais je retrouve l'être au fond de mon ego, et par conséquent je retombe sur Descartes. Et je me dis que mon ego doit avoir des structures semblables aux structures de l'autre ego, et je me trouve à me comprendre par rapport à l'alter-ego, évidemment puisque c'est l'autre, et je reconstruis un système. Mais je reconstruit un système à partir de ce dont j’ai l’esprit, à partir de mon esprit en moi. Mais, où est la substance dans tout ceci ? Où est l’Etre ?

C’est toujours dans ce que j’en pense.

Alors, finalement, vous arrivez à Sartre. Et Sartre vous dit : " L’Etre, il est englué de lui-même. Il est inconnaissable, l’Etre. Il est plein de lui-même. Et la seule chose qui nous connaître l’être, c’est la conscience. Et la conscience nous fait connaître l’Etre en néantisant chacun de ses moments. Alors, vous avez l’être et le néant. Et la conscience est néant. On néantise. Et l’être restera toujours empêtré dans sa propre glu, et vous ne connaîtrez jamais l’être. Alors, remarquez bien qu’à ce moment-là, les sens se trouvent annihilés, et la philosophie aussi...

Alors, par conséquent, toute la question de l’être repose sur la substance. Est-ce que cette fameuse substance existe ?

Si l’être, je ne suis pas capable de le connaître en tant que substance, ma physique, ma philosophie de la nature, ma connaissance de la nature finissent par n’être qu’une description de la nature. Et si je n’ai de la substance de l’être qu’une connaissance, si je ne sais pas ce que c’est que la substance, ma métaphysique tombe dans le néant et je n’ai plus de métaphysique possible.

Je n’ai plus une philosophie de l’être, je n’ai qu’une philosophie du sujet pensant ce qui n’est pas.

Alors, qu’est-ce que ce sujet qui pense quelque chose dont il n’est même pas sûr qu’elle soit ? Alors, je fais une philosophie du sujet. Mais mon sujet, il tombe dans le vide, lui aussi, comme sujet, puisqu’il n’a plus d’objet. Et toute la question porte sur l’être. Est-ce que l’Etre est ? Ou n’est pas ? Voilà la bonne question. C’est Hamlet qui l’a posée : " To be, or not to be ? "

Il y a vraiment le drame ontologique de l’humanité à la recherche d’elle-même.

D’après Aline LIZOTTE

 

L'AVEUGLANTE PROXIMITE DU REEL

 

  1. AVANT PROPOS

 

Nous souhaitons tous, ici, que la philosophie soit considérée comme une chose sérieuse. Nous sommes tous convaincus que nos discussions ne sont pas qu’un bavardage oiseux. Mais encore faut-il que, en deçà de la philosophie elle-même, nos assertions soient fondées sur quelques certitudes, du moins quelques convictions. Même si, parce que nous sommes de bons philosophes, le doute nous anime. Même si, et l’histoire nous l’enseigne tous les jours, nous savons que le savoir évolue, que les acquis d’une époque ne sont pas éternels.

Pour ma part, à l’instar de grands philosophes, tels Démocrtite ou Descartes, je pense que toute réflexion sur le monde, et sur l’homme, pour être un tant soit peu valide, doit intégrer les connaissances scientifiques de l’époque qui la voit naître.

Je vais vous citer quelques mots de Descartes, extraits de la seconde partie de ses " Principes de Philosophie " (&20) : " Il est aussi très aisé de connaître qu’il ne peut y avoir des atomes, ou des parties de corps qui soient indivisibles, ainsi que quelques philosophes ont imaginé. D’autant que, si petites qu’on suppose ces parties, néanmoins, parce qu’il faut qu’elles soient étendues, nous concevons qu’il n’y en ait pas une d’entre elles qui ne puisse être encore divisée en deux ou plus grand nombre d’autres plus petites, d’où il suit qu’elle est divisible. "

Il me semble que la découverte scientifique majeure de ce XXème siècle, c’est justement la mécanique quantique.

2. INTRODUCTION

Encore un petit mot d’introduction pour préciser un point de sémantique.

La physique, " science qui a pour objet l’étude des propriétés générales des corps " dit le Petit Larousse, la physique donc tente de donner des réponses au " comment ", pas au " pourquoi ". Comment ça marche ? Qu’est-ce qui se passe ? Comment un tel phénomène est-il possible ? Comment pourrions-nous l’expliquer ? Voilà les questions du physicien.

Il n’appartient pas à son domaine de s’interroger sur le sens. Il n’est pas de son ressort de se demander pourquoi les choses sont ainsi et pas autrement. Ce n’est pas à lui qu’il faut demander si le monde existe.

Mais il est, me semble-t-il, de notre devoir à nous, philosophes, de l’interroger sur le " comment " avant de nous risquer à réfléchir sur le " pourquoi ", si toutefois nous souhaitions le faire.

 

3. EXPOSE

Il peut apparaître très prétentieux que quelqu'un comme moi, musicien de formation, fasse un exposé sur la physique quantique. Je voudrais surtout vous faire partager mon enthousiasme devant cette nouvelle description du monde et de la matière.

En fait, il ne s'agira que de vulgarisation scientifique. Je n'exposerai pas "mes" théories sur le sujet ; je me bornerai à vous raconter ce que j'ai lu dans les livres ou revues traitant de la question, tout au moins ce que j'ai compris !

Vous pouvez donc être rassurés : il n'y aura pas de démonstrations mathématiques. Seulement des relations d'expériences, ou des métaphores, pour essayer d'appréhender une réalité impalpable, parfois paradoxale, et pourtant si proche, puisque c'est elle qui nous constitue.

Ce sera une tentative d'approche de cette "aveuglante proximité du réel".

A/ Ondes ou particules ? C’est en effet la première question que nous devons nous poser.

Juste deux définitions très sommaires pour commencer. Communément, on appelle particule, un grain de matière. Dans le Petit Robert, c'est "l'infime quantité d'un corps". Et onde, un mouvement. Dans le même dictionnaire : "déformation, ébranlement ou vibration". Il est même précisé plus loin : "les ondes électromagnétiques sont une famille d'ondes qui ne nécessitent aucun milieu matériel connu pour leur propagation". Une image d'onde pourrait être la vague : elle se propage à la surface de l'eau, mais ne déplace pas de matière, ni l'eau, ni le bouchon qui flotte.

Nous allons commencer par une expérience très simple.

Prenons un bocal à confiture. Je le remplis d'eau, et le ferme hermétiquement grâce à son joint en caoutchouc. Il retient le liquide quelque soit la position dans laquelle je le place. Ensuite je vide l'eau, et dispose dans le bocal un petit poste de radio. Je le ferme hermétiquement. Vous entendez la musique !

Constat : dans le premier cas, le verre ne laisse pas passer les atomes d'hydrogène et d'oxygène qui constituent l'eau (H2O). Dans le second, le verre est perméable aux ondes radio.

Première conclusion : il faut être très prudent quand on décrit la matière. Selon le contexte, la situation, la description de ses propriétés peut varier. Dans l'expérience précédente, le verre est un obstacle à la propagation des liquides, mais il n'en est pas un à la propagation des ondes radio.

Si nous en restions là, le partage ondes - particules semble être un bon outil d'appréhension du réel.

Pas si simple !

Continuons à nous intéresser aux propriétés du verre. Nous avons tous constaté qu'il laisse passer la lumière. C'est-à-dire qu'il est perméable aux ondes lumineuses. Or, je dois vous faire constater un phénomène curieux. Observons cette pomme à travers une surface vitrée plane. Puis à travers la surface vitrée courbe de notre bocal à confiture. Dans le premier cas, elle nous apparaît tout à fait identique. Dans le second, vue à travers le bocal, elle nous apparaît plus petite (phénomène inverse de celui de la loupe). Connu, me direz vous !

En fait, l'explication de ce phénomène est bouleversante !

A l'école, on nous dit : " c'est parce que les rayons lumineux sont déviés de leur course rectiligne à cause de la courbure du verre ". Et de nous faire calculer à qui mieux mieux les angles d'incidence !

Mais cela ne nous explique toujours pas le pourquoi du phénomène.

Si la lumière était exclusivement un phénomène ondulatoire, il ne devrait pas y avoir de déformation. Les ondes lumineuses, comme les ondes hertziennes, nous inondent partout. Elles sont identiques en tous points de l'espace de la pièce où nous nous trouvons. Et pourtant, le fameux "rayon lumineux" est dévié de sa trajectoire ! La raison, la voilà : il est constitué de particules de lumière, les photons. Ce sont ces particules qui sont déviées dans leur course par une surface courbe.

Illustration de cette déviation. Je lance une balle de tennis sur le sol, à la perpendiculaire : elle rebondit dans ma main. L'angle d'incidence est de 90° entre la trajectoire et le sol. Je lance cette même balle sur un ballon rond : elle rebondit ailleurs !

Conséquence : aujourd'hui, on ne doit plus poser la question "ondes ou particules". On doit considérer la réunion des 2 principes : ondes ET particules. Selon les conditions, ou l'échelle considérée, le même phénomène est ondulatoire ou corpusculaire.

Révolutionnaire, non ?

B/ Mais alors, qu'est-ce que la matière ?

La question se pose déjà à propos du verre de notre bocal. Dans un cas, il empêche la matière liquide de s'écouler ; dans l'autre, il laisse passer les photons.

Pour décrire la matière, et quelque soit cette matière (bois, fer, eau, peau, terre ou soleil), j'utiliserai l'image du crayon décrit par le physicien Jean-Ernest Charon.

Imaginons qu'on puisse agrandir ce crayon, progressivement, en attendant de pouvoir discerner les éléments de sa structure. Quand il est aussi haut que la tour Eiffel, environ 300 mètres, on ne distingue rien de spécial.

Laissons-le grandir encore.

Tout à coup, alors qu'il mesure environ 100 kilomètres, il disparaît ! Sa base est devenue un cylindre d'environ 10 kilomètres de diamètre, et pourtant, il s'est pour ainsi dire volatilisé. L'agrandissement est alors d'environ un million.

Continuons. Le crayon mesure maintenant 100 millions de kilomètres, c'est-à-dire la distance de la Terre au Soleil (agrandissement : 1000 milliards).

Que voyons-nous alors ? Tous les 100 mètres, un petit tas de "billes" d'un centimètre. Entre ces tas : du vide !

Si nous faisons le calcul, nous comptons 100 000 milliards de milliards de petits tas de "billes" dans le crayon. Parce qu'il s'agit toujours de CE crayon !

Que sont ces petits tas ? Les noyaux d'atomes de carbone qui constituent mon crayon en bois. Mais ce n'est pas tout. Chaque tas, chaque noyau est composé de 12 particules, celles qu'on nomme aujourd'hui "élémentaires" : 6 neutrons et 6 protons, eux-mêmes contenant des quarks.

Et ce n'est pas fini ! Nous pourrions apercevoir, autour de chaque noyau, une sorte de nuage contenant de minuscules petits éléments, gros comme des pépins de raisin : les électrons.

Cf : le tableau du CERN

Et la physique quantique alors ?

Et bien, justement, nous y sommes.

A cette échelle, dans cet infiniment petit, les lois de la physique classique n'ont plus cour. Elaborée depuis le début du siècle par quelques physiciens de génie : Einstein, Heisenberg, Bohr, De Broglie, Schrödinger, cette nouvelle mécanique apporte des réponses qui sont autant de questions fondamentales sur le plan philosophique et métaphysique.

Entrons dans le vif du sujet.

Un point de vocabulaire tout d'abord. Un quantum, c'est un paquet (pluriel : des quanta). On a utilisé ce terme quand on s'est aperçu que l'énergie, la lumière par exemple, ne se déplaçait pas de façon continue, linéaire, mais par paquets. Reprenons la métaphore de la vague que nous avons utilisée pour décrire une onde. Considérons seulement les crêtes. Elles sont l'image d'un graphique qui décrirait une propagation d'onde, à condition de considérer qu'entre ces crêtes, il n'y a rien. D'ailleurs, aujourd'hui, certains physiciens préfèrent parler de quantons plutôt que de particules élémentaires.

C/ Quels sont donc les piliers de la physique quantique ?

(extrait du "Cantique des quantiques", page 40 et 41)

a. Le principe de complémentarité de Bohr. Formulé en 1927, il met un point final au dualisme onde-corpuscule. L'aspect corpusculaire et l'aspect ondulatoire sont deux représentations "complémentaires" d'une seule et même réalité. Un être physique unique peut nous apparaître tantôt sous forme de corpuscule (quand par exemple il provoque une scintillation sur un écran fluorescent), tantôt sous forme d'onde (quand, par exemple, nous observons les franges d'interférence produites par un flux d'électrons). Il s’agit en fait de l’extension de l’expérience réalisée par le physicien anglais Thomas Young en 1803.

  1. Le principe d'intermination de Heisenberg (appelé parfois, à tort, principe d'incertitude). Il signifie que l'on ne peut attribuer sans précaution à une particule-quanton des propriétés classiques telles que la vitesse et la position. On peut seulement utiliser des concepts mathématiques qui correspondent à ces propriétés, mais avec un certain "flou". Les résultats des mesures de vitesse et de position sont entachés de ce flou.

En clair, si on mesure la vitesse d’une particule, on ne peut connaître avec précision sa position. Et, inversement, déterminer sa position empêche de calculer sa vitesse. On peut comprendre cela si on garde présent à l’esprit que toute mesure implique la présence de photons qui vont interagir avec les particules observées.

c. Les ondes de De Broglie et de Schödinger correspondent, dans cette perspective d'indétermination, à la probablilité de trouver la particule-quanton en un endroit donné. La particule n'étant plus un point matériel classique, à localisation précise, mais un paquet d'ondes (probabilistes), c'est-à-dire une superposition de mouvements potentiels, dans toutes les directions, il n'est plus possible de lui attribuer une position déterminée. On peut seulement évaluer les chances qu'on a de la trouver dans une certaine portion d'espace.

Cela nous amène à une nouvelle représentation de l'atome. Il est conçu aujourd'hui comme un noyau entouré d'un "nuage" électronique. On ne sait pas où se trouve l'électron, ni quelle est la nature de sa trajectoire éventuelle. On sait seulement que la probabilité de le trouver à une certaine distance du centre est proportionnelle à la densité du nuage. Et, ce qui est extraordinaire, c'est que, si on le détecte à un certain endroit, il n'a plus aucune chance d'être ailleurs. Mais, c'est un peu difficile à concevoir, et pourtant c'est ainsi, on aurait pu le détecter dans un autre secteur du nuage !

Cf : image de l’atome

Ce fait peut être illustré par la métaphore du poisson soluble (op. cité p. 9-10).

" Un poisson évolue dans une mare si boueuse qu'on ne peut absolument pas le voir. Un pêcheur tente sa chance, et au bout d'un certain temps, le poisson mord. Le pêcheur relève sa canne et voit le poisson suspendu au bout du fil. Il en conclu logiquement qu'auparavant le poisson se déplaçait dans la mare, à la recherche de nourriture. Jamais il n'ira penser qu'avant de mordre, le poisson n'était qu'une sorte de potentialité de poisson occupant toute la mare.

Supposons maintenant que la mare représente une boîte absolument vide, à l'exception d'un électron solitaire figuré par le poisson (on aurait pu aussi considérer un proton, ou même un atome). Le dispositif de pêche (canne, ligne, hameçon) symbolise une sonde introduite dans la boîte et pouvant, d'une façon ou d'une autre, interagir avec l'électron et produire alors un signal visible par un observateur. Quand le signal apparaîtra, l'observateur normalement constitué en conclura que l'électron a rencontré la sonde, et qu'auparavant il se déplaçait dans la boîte. Il aura tort. Avant d'interagir, l'électron occupait toute la boîte, avec une probabilité plus ou moins grande d'être détecté en tel ou tel endroit. C'est comme si avant de mordre le poisson occupait toute la mare, avec des endroits où il était plus dilué et d'autres où il était plus concentré".

Cf : les images de la mare.

Dans les années 30, cette description "probabiliste" se fondait uniquement sur des calculs mathématiques. Et ces calculs aboutissaient à un autre paradoxe, relevé par Einstein, Podolski et Rosen (paradoxe EPR) . A l’époque, ce constat amenait ces physiciens à affirmer que la théorie quantique n’était pas complète, qu’il lui manquait des " variables cachées ".

 

Or, en 1982, le physicien français Alain Aspect a apporté la preuve expérimentale que, sur ce point, Einstein avait tort !

Et en juillet 1997, l’équipe de physiciens de l’université de Genève dirigée par Nicolas Gisin a renouvelé cette expérience sur une grande échelle. De quoi s’agit-il ? Je vous décris l’expérience suisse.

Elle a été menée entre Genève et les villages de Bernex et de Bellevue, situés respectivement à 7.3 kms et 4.5 kms de Genève.

Cf : le schéma de l’expérience suisse

Un photon (quanton de lumière) est émis par un laser. C’est déjà quelque chose de tout à fait extraordinaire : émettre un photon à la fois ! L’article de " Pour la science " , que je tiens à votre disposition, nous explique comment on fait.

Ce photon traverse un cristal de KNbO3 (K = potassium, Nb = nodium, O = oxygène) qui le scinde en 2 photons de moindre énergie. Chaque photon emprunte une fibre optique. Sur son chemin, il rencontre un miroir semi-réflechissant. Ce dernier peut alors, de manière aléatoire, soit réfléchir et dévier le photon, soit le laisser poursuivre son chemin jusqu'à un détecteur.

Or, on constate que les deux photons réagissent simultanément de la même façon. Si l’un passe, l’autre passe. Si l’un est dévié, l’autre aussi ! Et cela à plus de 10 kms l’un de l’autre ! Et de manière absolument simultanée ! Ce qui veut dire, au minimum, que l’information a " voyagé " (je mets ce terme entre guillemets) plus vite que la vitesse de la lumière. N’oublions pas en effet que les photons sont des quantons de lumière.

Je vais terminer mon exposé sur cette expérience et ses implications.

D’abord sur la notion d’espace.

En effet, la corrélation de deux particules est d’abord apparue dans la résolution d’équations mathématiques. Ensuite, elle a été vérifiée, par Alain Aspect, en laboratoire, sur de petites distances (6,5 mètres). Le fait que cette corrélation soit toujours constatée à 10 kms montre que la distance n’est plus un paramètre signifiant. Le phénomène serait constaté de la même manière si les miroirs étaient situés à 1000 kms l’un de l’autre, ou à un milliard de kms. Nous devons aussi accepter l’idée qu’aucun corps matériel ne pourrait faire obstacle à ce phénomène : ni blindage, ni planète !

Autre chose encore. Nous sommes, dans cette expérience, en présence de deux photons issus d’un même photon. Or, cette corrélation est irréversible. Ils forment un système. Nous devons nous représenter que chacun de ces photons peut à nouveau être scindé en deux nouveaux photons corrélés. Et ainsi de suite tant qu’ils possèdent un peu d’énergie. Et les physiciens nous affirment que ce qui a été produit en laboratoire se produit très certainement de façon naturelle. Les occasions ne manquent pas. Alors, si vous vous représentez que nous sommes en permanence, à chaque seconde, traversés par des milliards de photons, corrélés à des milliards d’autres, en tout point de l’univers, et si vous vous représentez cela en écoutant les neuro-biologistes qui cherchent l’émergence de la conscience au niveau des échanges quantiques qui se produisent dans les zones intersynaptiques de notre cerveau, n’êtes-vous pas gagnés par une sorte de vertige ?

Quant à l’instantanéité, ne représente-t-elle pas une véritable révolution ? Elle annule les notions de cause et d’effet. Il n’y a plus d’antériorité !

retour à la listes des sujets